L'Europe est à un moment charnière de son existence. Entre une ouverture tous azimuts à de nouveaux entrants, et
l'incapacité de se doter d'une gouvernance politique unifiée, l'Europe arrive au bout d'une contradiction qu'elle n'a pas su gérer. L'Euro n'apporte plus la stabilité promise avec la succession
de faillites (Grèce, Irlande, demain Portugal, Espagne, Italie, et peut être France). Les marchés "sucent le sang" des pays affaiblis par une logique de compétition qui renforce les inégalités et
tire les salaires et la protection sociale vers le bas, pour le bonheur des banques, fonds de pension et autres assurances privées, qui après avoir ramassé la mise vont faire un tour ailleurs,
après avoir empoché l'argent des Etats. Les actionnaires qui se sont enrichis sur le dos des peuples, vont placer l'argent ailleurs, pour continuer cette marche infernale vers plus de profit,
tuant au passage l'économie réelle au profit d'une économie virtuelle.
Dans ce contexte les USA ont encore un peu d'oxygène car ils peuvent faire marcher la planche à billets. Mais cela aura
une fin, quand la Chine aura décidé d'affirmer clairement son leadership sur l'économie mondiale, ce qui devrait se faire dans quelques décennies, peut être même avant si il y a une accélération
du processus d'asphyxie des économies européennes. Les pays émergents, Brésil, Inde en particulier, et dans la foulée de nombreux pays d'Asie et d'Afrique, vont prendre place sur des pans entiers
de l'économie mondiale, au détriment des pays européens.
Pendant ce temps, alors qu'il faudrait réagir à hauteur des enjeux de la situation internationale, l'Europe continue
à se vautrer dans des nationalismes impuissants à résoudre les problèmes politiques et économiques, à défendre des visions économiques qui la ruinent, et à entretenir des rivalités entre nations
qui n'ont de fondement que le désir de pouvoir de politiciens qui font carrière. En France, nous mourrons lentement des rêves d'un bonapartisme désuet, et de pseudos clivages idéologiques qui
n'en sont pas, entretenus par les uns et les autres pour maintenir une fierté nationale sans effet sur la vie réelle. Il est vrai que quand on voit toute l'attention qui est portée sur le
fait que les joueurs de l'équipe de France de football chantent bien l'hymne national... il y a peu d'espoir ! Il reste donc aux politiciens professionnels la démagogie et le
populisme.
Peut-on se contenter de cela ? Non, bien évidemment, sinon à trouver un plaisir malsain à la déchéance sociale, culturelle
et politique. Il y a peu on nous vantait l'Irlande comme une réussite exemplaire du libéralisme: des entreprises très peu taxées, une protection sociale réduite, des impôts sur le revenu faible.
Bref, de quoi plaire aux banquiers et aux marchés. Cela n'a duré qu'un temps, les irlandais, comme les autres ont besoin de vivre, de consommer, de s'équiper, ils ont donc emprunté, plus que de
raison. Et les marchés, après avoir ramassé la mise, ont mis le pays sous menace, en demandant encore plus, sachant que l'Europe allait mettre la main à la poche. Comme en Grèce. A qui le
tour maintenant ? Le scénario est bien rôdé.
Il nous faut donc être pragmatique. L'Europe est morte, vive l'Europe. Un noyau dur de pays doit refonder une Europe en
mettant en place un système politique au delà des petits nationalismes égoïstes et du chauvinisme. Le système politique qui naîtra de cette alliance devra prendre la main sur l'économie dans une
logique de régulation, tout en travaillant à mettre en place un système économique sur d'autres bases, prenant en compte la dimension écologique et l'esprit coopératif, ne niant pas la
globalisation, mais développant la proximité. Il est temps encore d'imposer aux marchés des contraintes qui les calment. Attendre que l'autre commence pour le faire de son côté est suicidaire.
L'Allemagne et la France peuvent être les piliers de cette Europe dans l'Europe. L'idée de mettre en convergence les systèmes économiques et politiques est une très bonne idée. Elle implique, du
moins pour la France, de sortir du tissu de mensonges et de contre-vérités qui nous sont assénés sur le modèle allemand au gré des besoins de politique intérieure (cf. l'épisode sur le bouclier
fiscal), et de sortir des visions dogmatiques. Il faut savoir par exemple que les allemands paient plus d'impôts que les français. Surprenant hein, quand on entend les discours ici et le
refus de les augmenter ! Nos pays sont riches, mais l'argent profite de moins en moins à l'intérêt général, et de plus en plus à renforcer les inégalités, l'injustice sociale, et... les
paradis fiscaux.
Face à la continuité revendiquée du couple Sarkozy/Fillon nous avons besoin d'une rupture. La continuité nous mène à la
situation grecque ou irlandaise. La rupture avec ce cercle vicieux dans lequel nous nous sommes mis, est la seule chance de retrouver les voies de l'espoir économique, de la cohésion sociale, de
la justice et de la liberté. D'autant que nous ne devons pas nous leurrer. Le capitalisme ayant vérolé complètement la démocratie, cette dernière risque de sombrer dans le naufrage général, à
moins que nous ne réagissions vite, en redonnant vie à la démocratie dans ses fondements authentiques, en la débarrassant de ses scories qui au fil du temps, et on le vit particulièrement en
France en ce moment, ont gangrené le système: le cumul des mandats, qui fait qu'un nombre restreint d'individus tiennent tous les leviers, le chèque en blanc donné par un système
représentatif de moins en moins de contrôlé, les pressions sur les contre-pouvoirs, le clientélisme qui prend en otage l'électeur et le citoyen dans un système de dépendance, etc...
On est loin du clivage gauche/droite car c'est l'esprit de clan qui domine actuellement. Même si comme moi on peut
revendiquer des valeurs qui sont plus portées par la gauche au long de l'histoire, il n'est plus possible aujourd'hui de s'enfermer dans ce clivage. Il est vrai que notre système électoral y
concoure. Il faudra donc un système électoral plus ouvert. Il y a du pain sur la planche. Les générations montantes doivent s'emparer de ce débat. Les générations du 20ème siècle doivent apporter
leur contribution. Un mouvement transgénérationnel doit voir le jour, qui bouscule les (mauvaises) habitudes, et portent en débat un rénovation nécessaire. Les années qui viennent seront
décisives pour l'avenir de l'humanité.