Impossible d'échapper à l'actualité concernant les réactions dans le monde islamiste, et religieux en général, suite aux caricatures parues tout d'abord dans un journal danois et reproduites dans le monde entier en réponse aux clameurs des intégristes de tous poils.
Des principes d'abord. Il y a dans le monde deux sortes d'états. Ceux qui ont un régime démocratique et laïque, et ceux qui ont comme référence des principes religieux. La séparation de l'Eglise et de l'Etat c'est un acquis de la Révolution Française, c'est une avancée de l'intelligence humaine contre l'asservissement religieux institutionnalisé que les sociétés occidentales ont connu dans leur histoire et qui a fait tant de mal (ex. l'inquisition, le refus du progrès de la connaissance scientifique, le refus de la liberté de conscience et d'expression). Renvoyer la religion dans la sphère privée, c'est garantir la liberté de conscience, la liberté d'expression, et permettre à la société d'évoluer, d'innover, de sortir du cadre s'il le faut. Cela est fondamental pour tout homme de progrès.
Pour autant les choses sont plus compliquées dans la réalité. Des pays démocratiques continuent de faire référence à la religion comme ciment de l'unité nationale (ex. les USA, Israël). Cela associe l'affrontement religieux à l'affrontement politique et économique, et renforce les antagonismes. Le monde se divise en bloc religieux, alors qu'il commence à s'organiser politiquement (ONU) et économiquement (OMC), et là où l'entraide, la solidarité, pouvaient peu à peu résoudre les tensions, harmoniser les échanges, les clivages religieux font tout régresser ! Le débat sur le traité constitutionnel européen a été de ce point de vue éclairant sur l'ambiguité qui existe. Le débat sur les références historiques et les valeurs a été vif, le Vatican s'est impliqué en essayant de faire reconnaître la référence chrétienne comme valeur constitutive de l'Europe. Cette tentative a échoué et le texte final était un compromis qui mettait de côté la référence religieuse comme valeur fondatrice de l'Europe. Beau progrès dans une europe où la vision laïque qui est la nôtre n'est pas majoritaire. Malheureusement, le traité est bloqué suite au NON français en particulier. Résultat l'Europe n'a pas de position commune et chaque Etat y va de sa posture sur la question, et plus grave encore, vu de l'extérieur l'Europe est vécue comme rattachée au système anglo-saxon dans ce qu'il a de plus dangereux: communautarisme et présence du religieux dans le fonctionnement institutionnel.
Dans ce contexte l'affaire des caricatures danoises fonctionne comme une bombe. Les religions de toutes sortes s'en emparent pour renforcer leur reconnaissance institutionnelle, et se trouvent unies dans la réprobation, au détriment de la liberté d'expression (ce n'est pas le souci premier des religions). Les Etats démocratiques sont sur la défensive, faute d'avoir une doctrine claire et tranchée sur la laïcité. Les états autoritaires trouvent là l'occasion d'instrumentaliser les opinions publiques en détournant la colère des peuple des vrais problèmes (chômage, misère). Tout ces jeux sont porteurs de grands risques pour l'équilibre mondial. Au coeur du cyclone se trouve l'occident et les valeurs qu'il est censé avoir historiquement développé (liberté individuelle et collective, développement économique et social, fraternité et humanisme). Des blocs se reconstituent, sur des bases nouvelles, et les clivages ne sont plus sur les valeurs universelles des Droits de l'Homme, mais sur les valeurs de la dépendance religieuse, de l'asservissement intellectuel et moral.
En étant égoïstes, chauvins, natioanlistes, les Etats occidentaux ont provoqué d'abord la jalousie, puis la colère du reste du monde. En ne défendant pas ses valeurs d'universalité et d'humanisme, mais au contraire en se laissant aller à la xénophobie et au protectionnisme économique ils ont favorisé l'émergence de blocs d'abord économiques, ensuite d'eesence religieuse. En refusant une Europe plus politique, plus sociale, nous avons accentué l'affaiblissement de nos valeurs, mis le doute et la peur dans la tête des gens. Bush aura facilité les choses aux intégristes de tous bords. Partout où il est intervenu les religieux l'ont emporté (ex. afghanistan, Irak). Partout où il a porté son attention l'humanisme a régressé (ex. les juridictions d'exception, les prisons clandestines). Dans son pays même les valeurs des pères fondateurs ont perdu leur force d'attraction. C'est un désastre pour le monde libre, c'est une catastrophe pour les hommes épris de liberté. l'Europe tergiverse, minaude pour savoir s'il faut s'organiser plus, sur le champ politique, sur le champ social. Une partie de ceux qui se disent progressistes refusent tout progrès parce que pas assez important, résultat c'est retour à la case départ dans un monde qui devient instable. Et les tenants du capitalisme sans contrainte l'emportent sans avoir même à combattre. Signe de décadence ? peut être ! Pendant ce temps la Chine, l'Inde se développent et se préparent à s'affronter pour la domination économique du monde. Le radicalisme dans toutes ses variantes s'oppose au Progrès.
Que pèsons nous, petite France si fière, dans ce contexte ? Sarkozy et de Villiers vont nous le dire pendant que Fabius, le PC et l'extrême gauche vont continuer à nous promettre des lendemains qui chantent si on continue à s'opposer à tout. Qui est allié à qui dans ce jeu là ? qui sert qui, quoi ? Il serait temps d'y voir clair avant que les lumières s'éteignent. Etre clair et ferme sur nos valeurs de référence: laïcité (c'est à dire que la religion relève exclusivement de la sphère privée), liberté individuelle et collective, démocratie et égalité des chances, humanisme. Pédagogie dans la relation aux autres nations et aux autres peuples, pour éduquer, convaincre, trouver les réponses d'équilibre et d'harmonie. Difficile ? Oui, mais n'est-ce pas plus enthousiasmant et porteur d'espoir que le laxisme, le sectarisme ou l'intégrisme ? En ce qui me concerne le choix est fait.