Avant même les résultats du second tour des élections municipales on peut tirer une leçon de ce qui se passe en profondeur dans l’électorat. Il y a un glissement vers les idées réactionnaires comme nous ne l’avons plus connu dans ce pays depuis longtemps. Il faut remonter aux années trente pour trouver un tel contexte. La droitisation extrême de l’UMP a accompagné ce mouvement, lui a donné une légitimité qu’elle n’avait pas avec le seul soutien du FN et des milieux religieux intégristes ou fondamentalistes. Dès lors beaucoup d’électeurs ont considéré que le recours aux vieux démons de la haine et de l’exclusion trouvait une justification dans un pays qui n’avait plus confiance en sa classe politique traditionnelle qui s’est vautrée dans les affaires et le cumul de pouvoirs, et qui n’a pas favorisé le renouvellement. Nous sommes une société la peur au ventre face à la mondialisation, incapable de se réformer parce que déjà très conservatrice, n’ayant pas confiance en elle-même, dans l’attente d’un sauveur ou d’un miracle.
Nous sommes aujourd’hui désarmés devant la crise, alors que d’autres pays se sont réformés, ont affronté les difficultés avec courage et en innovant. Ces pays ont su s’adapter, se remettre en cause pour cela, trouver en eux des ressources nouvelles. Ici en France nous restons coincés dans le jacobinisme d’un autre temps. Impossible de réformer l’Etat, de réduire le nombre des communes, de supprimer au moins un niveau administratif, de mettre fin de manière irrémédiable au cumul des mandats. Impossible de faire confiance aux partenaires sociaux pour organiser le marché du travail et les relations sociales. Nous restons coincés dans un nationalisme xénophobe. Au moment où l’Allemagne gère ses problèmes démographiques en s’appuyant sur l’immigration, ici nous faisons la chasse aux immigrés, et même quand ils sont français, nés en France, travaillant ici, ils ne sont pas tout à fait admis dans la communauté nationale. Après les mêmes s’étonnent que se développe le communautarisme, quand en plus on a organisé le logement par zonage ethnique. Qu’est devenu notre modèle d’intégration ?
Nous avons peur de l’Europe, faute de confiance en nous. Et ce qui est paradoxal c’est que nous mettons sur l’Europe toutes les responsabilités de notre situation, comme si elle existait, alors que l’Europe actuelle celle du marché libre n’est que l’Europe des nations que nous vantent tant le FN une bonne partie de l’UMP, et l’extrême gauche nationaliste et populiste, sans s’apercevoir que c’est celle-là que nous subissons aujourd’hui. Cette Europe-là elle est un boulet, l’Europe qu’il faut c’est une Europe fédérale, où l’intégration permette dans de meilleurs délais l’harmonisation sociale, fiscale et politique. Pour certains il faut attendre que tous les pays aient un gouvernement de gauche pour avancer dans ce sens, alors au revoir l’Europe ! D’autres sont encore à l’époque de la France dominatrice, colonialiste, une France qui refuse l’évolution du monde et qui se replie sur elle-même.
Si on conduit en ne regardant que le rétroviseur on va vers l’accident, inévitablement.
Devrons nous faire l’expérience du FN au pouvoir, comme une punition nécessaire, un passage obligé pour rebondir et sortir de la nasse dans laquelle nous nous trouvons ? Si c’est le cas le prix à payer est lourd, et encore on sait comment on y entre, par les urnes, on ne sait pas comment on en sort. C’est un jeu risqué, très risqué. La réponse politique que le Président va apporter sera lourde de conséquences. Soit elle permet à la société entière de reprendre confiance et de réagir pour retrouver le chemin des valeurs qui fondent le progrès et l’humanisme, soit nous entrons dans un tunnel dont nous ne connaissons pas la sortie. Dans tous les cas la société aura besoin que les personnes qui se revendiquent de la liberté de l’égalité et de la fraternité, dans l’acception complète de ces mots, soient les acteurs du mouvement qui doit l’emporter sur le retour en arrière, porteurs de la lumière pour vaincre l’obscurantisme, pédagogues infatigables du progrès humain.
La crise est là, oui, et bien là. Nous savons qu’elle ne trouvera d’issue positive que dans la réforme et avec du temps. Les amortisseurs sociaux dont nous bénéficions ont limité la casse mais ne permettent pas de sortir de la crise aussi vite que nous le voudrions. Des erreurs stratégiques ont été faites par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Nous ne pouvons pas attendre la prochaine présidentielle pour avoir des solutions de sortie de crise. Il revient donc à François Hollande de prendre les décisions qui permettront de redonner confiance aux français et de dynamiser l’économie en permettant aux entreprises, patrons et salariés, de retrouver le développement et la croissance. La compétitivité s’améliore indéniablement, à tel point que dans certains secteurs nous sommes mieux positionnés que l’Allemagne, pour autant cela n’a pas encore d’incidence sur le chômage. Nous devons marcher sur les deux jambes, et il faut maintenant organiser une relance ciblée avec des effets immédiats, donc pour cela évitons d’avoir recours aux montages technocratiques et aux mesurettes des contrats aidés qui ne sont qu’un effet d’aubaine pour les entreprises. Il faut directement baisser les cotisations des entreprises en capacité de recruter immédiatement, petites et grandes. Dans le même temps il faut amorcer une baisse des impôts pour les français. Il faut être force de proposition pour une Europe plus intégrée, quitte à l’organiser en noyaux différenciés. Un premier noyau de pays prêts à une intégration plus poussée, immédiate, puis la zone Euro et enfin les autres qui resteraient dans une relation économique. Et si cela ne plaît pas aux Anglais, tant pis ! Qu’ont-ils apporté à l’Europe ? Voilà un programme pour une fin de mandature qui pourrait faire oublier les débuts catastrophiques.
Je ne suis pas convaincu que François Hollande soit la personne la plus pertinente pour mettre un tel plan à l’œuvre, pas plus que son prédécesseur ne l’a été, qui a laissé filé les déficits et la dette et s’est mis sous la coupe de l’Allemagne. Il va devoir forcer son caractère et former un gouvernement resserré avec un premier ministre capable de mettre tout cela en musique. Monsieur le Président, ça urge.