A Londres, pendant que le Labour se radicalise, Cameron doit affronter deux échéances porteuses de risques pour sa politique. La première échéance concerne la question migratoire qui est aujourd’hui un problème mondial (pas seulement européen), qui vient bousculer les options qui étaient les siennes sur ce sujet depuis longtemps. Londres avait réussi à faire assumer par Nicolas Sarkozy la gestion des migrants qui veulent venir outre-manche, dans le cadre d’un accord qui déportait la frontière anglaise en France, nous faisant supporter tous les problèmes inhérents. François Hollande n’a pas remis en cause cet accord, et contre quelques subsides nous continuons à assurer le rôle de garde chiourme pour la Reine et ses sujets. Mais l’importance prise par les flux migratoires ces derniers temps bouscule la conception d’un pays, une île, qui se protégerait d’une vague migratoire non désirée. La dure réalité de ce qu’est le monde se télescope avec l’idéologie nationaliste et protectrice de Cameron. Il vient d’annoncer vouloir prendre une part, à hauteur de 20 000 personnes sur 5 ans. C’est un début, il devra probablement aller plus loin.
La seconde échéance c’est celle du référendum sur le maintien ou non dans l’Europe. Les deux échéances sont liées dans l’esprit de beaucoup de sujets de sa majesté. Certains, peut-être la majorité, veulent se protéger du reste du monde et pensent qu’en quittant l’Europe ils pourront ainsi se prémunir de toute « invasion », n’étant pas soumis à une contrainte institutionnelle. Mais les contraintes de solidarité et d’humanité qu’en font-ils ? Au-delà des règles il y a l’humain. Ce pays qui a joué à fond le jeu de la mondialisation sur le plan économique voudrait aujourd’hui s’isoler du monde. Drôle de vision des choses. L’argent des autres, oui, les autres non ! Ce pays qui a poussé depuis la Grèce antique les règles de la démocratie jusqu’à en faire presque une religion, ne peut pas aujourd’hui conserver cette posture schizophrénique, au risque de perdre toute identité. Le virage radical du Labour avec l’élection à sa tête de Jeremy Corbyn est une réponse à cette schizophrénie Tories.
En France nous n’avons pas à jouer les matamores sur cette question car le gouvernement a tardé à s’emparer pleinement de cette question et l’opinion publique, c’est-à-dire nous les citoyens avons eu une réaction tardive, conséquence d’une photo que nos médias n’ont fait paraître qu’après parution dans la presse internationale. Il est vrai que le débat politique est mené aujourd’hui par la droite extrême et l’extrême droite, c’est-à-dire par Nicolas Sarkozy et la famille Le Pen, Éric Zemmour et Robert Ménard. Où sont les intellectuels ? Où sont les défenseurs des Droits de l’Homme ? Ces voix sont inaudibles ou si peu audibles tant le brouhaha des propos à l’emporte-pièce l’emporte sur la réflexion et l’altruisme. Il y a comme une pensée unique qui s’impose chez nous, remettant en cause nos valeurs traditionnelles, notre Histoire dans ces épisodes les plus vertueux.
Nous nous émouvons, avec raison, devant l’image d’une journaliste hongroise qui donne des coups de pieds aux enfants de migrants, et devant des policiers hongrois qui matraquent hommes, femmes et enfants. Mais qu’avons-nous dit, qu’avons-nous fait devant ces migrants qui sont dans notre espace urbain depuis longtemps, entassés sous des abris précaires le long des stations de métro, ou du périphérique, dans les forêts, ou encore à Calais ? Il est temps de réagir, de faire le constat de nos manquements aux principes sur lesquels notre pays est bâti. Des principes qui ont longtemps donné dans le monde entier une image de la France dont nous pouvions tirer fierté. Nous devons lutter contre le corporatisme, le clanisme, le clientélisme qui ont vérolé notre démocratie, et rabougri notre esprit.
Le progrès de l’humanité ce n’est pas la résurgence de ce qu’il y a de plus sombre dans la nature humaine, mais l’exaltation des vertus qui grandissent l’être humain. Et nous sommes tous, individuellement, comptables de cela pour l’avenir de nos enfants et le souvenir respectueux de nos parents.