Le choc est dur pour la gauche, mais pas plus que pour la droite aux élections intermédiaires quand elle était au pouvoir. Ainsi va notre démocratie qui veut que le peuple désire toujours un changement par rapport à ce qui est établi. Plusieurs raisons à cela. Une inadaptation structurelle de notre économie au monde globalisé qui nous pénalise. Il faut réformer, mais cela ne peut se faire que progressivement au risque de pousser massivement les électeurs vers les extrêmes, car notre pays est en réalité profondément conservateur et ne voit l’intérêt des changements qu’une fois mis en œuvre. Ce qui explique les atermoiements des équipes au pouvoir et l ‘exacerbation des peurs par les opposants. Nous vivons sur ce système depuis la fin des trente glorieuses. Notre pays de ce point de vue n’est pas mature. On peut même dire qu’il est profondément ancré dans une vision de rétroviseur plus que dans une vision d’avenir. Le peuple français défend la démocratie certes, mais si cette démocratie pouvait être dirigée par un élu autoritaire qui impose tout en garantissant le bien-être, ce serait mieux !
La deuxième raison c’est que notre système de protection social coûte cher et qu’en réduire les coûts de manière drastique serait le remettre en cause, ce que personne ne veut, du moins dans les discours. Le prix à payer est de ne pouvoir prendre des décisions brutales et de jouer sur le temps et tous les indicateurs pour sauvegarder l’essentiel du système tout en lui apportant des correctifs qui en améliorent le fonctionnement. Ce sont des choix à faire qui ont un coût politique, comme avec les généralistes qui veulent continuer à bénéficier d’être en même temps des fonctionnaires de fait de la Sécu, ce qui garantit un revenu et des avantages acquis, et conserver un aspect libéral dans l’implantation, le temps de travail, et les modes de paiement (refus du Tiers payant généralisé). C’est le triomphe du corporatisme qui se fait au détriment de l’intérêt général. Ce corporatisme est encore une réalité prégnante en France, ce qui explique que l’esprit pétainiste véhiculé par une partie de la droite républicaine et le FN gagne du terrain.
Enfin la troisième raison, c’est l’état de notre classe politique. Clientéliste, clanique, cumularde comme aucune autre au monde. L’état de cette classe politique constitue le principal point de blocage de notre démocratie. C’est une préoccupation démocratique de premier plan, car cela renforce le côté clientéliste et clanique, et provoque un rejet de plus en plus important de la part des électeurs qui mettent tout le monde dans le même panier, ignorant les différences de contenu programmatique, et profite à ceux qui n’ont pas encore été au pouvoir, le FN, dont beaucoup attendent un renouveau dans la pratique politique. Et nous sommes coincés car demander à celles et ceux qui profitent des privilèges d’élus de se remettre en cause c’est peine perdue. Aussi aucune réforme en profondeur n’est possible sur le cumul, sur le renouvellement des mandats, sur le rôle des partis politiques, sur le contrôle citoyen des mandats électifs.
La marge est étroite donc. Et de ce point de vue je considère que le gouvernement actuel gère plutôt bien toutes ces contradictions. On pourra l’apprécier d’autant mieux si les résultats sont là dans les mois à venir. Sinon la France s’offrira au national-populisme. Tout pourrait être mieux, c’est vrai, j’en suis conscient, mais nous devons apprendre à apprécier ce qui est positif, sans jeter le bébé avec l’eau du bain, et à militer pour améliorer ce qui peut l’être, en particulier concernant les réformes des pratiques politiques et des territoires, la réduction des inégalités, sachant qu’en France aujourd’hui on ne peut pas parler d’austérité comparé à ce qui se passe dans d’autres pays européens. Grâce à notre système de protection sociale nous contenons les inégalités, il faut maintenant travailler à les réduire, et cela ne se fait pas d’un claquement de doigts. Mais l’intention et des premiers actes sont là. Pourquoi changer en cours de route ? D’autant que nous ne pouvons pas donner à chaque élection intermédiaire un statut de référendum, au risque de dénaturer complètement nos institutions.